Arthur Conan Doyle

Piètre médecin et auteur malgré lui

Rien ne prédisposait Arthur Doyle à devenir écrivain. Le seul don familial dont il aurait pu hériter était celui du dessin, son grand-père, John ayant été un caricaturiste célèbre. Son oncle Richard était d'ailleurs illustrateur et son père Charles, bien que fonctionnaire, dessinait en amateur ; il illustra d'ailleurs la première édition d'Une Etude en Rouge.
Né le 22 mai 1859 dans une famille irlandaise catholique ; Il reçoit le patronyme de Conan Doyle, Conan étant le patronyme de son parrain et grand-oncle, Michael Conan. Arthur débute ses études à Edimburg, mais n'est pas écossais, comme beaucoup l'ont prétendu, puis poursuit ses études secondaires à Stonyhurst dans le Lancashire, école tenue par des Jésuites. Il gardera un très mauvais souvenir de cette éducation spartiate qui contribuera à l'écarter de la religion. Très vite, il devient un colosse au tempérament aventureux et cherche désespéremment à dépenser cette force physique et ce caractère fougueux. A 21 ans, jeune étudiant en médecine, il s'engage sur un baleinier en tant que chirurgien de bord et passe sept mois dans les mers arctiques. Ce sera son premier voyage, début d'une longue série. Il aime tous les sports, notamment le ski, et sera le précurseur de sa pratique en Suisse.

Arthur Conan Doyle

Ses études achevées, il ouvre un cabinet médical à Southsea, près de Porsmouth. Mais les malades se font rares et le jeune praticien se trouve rapidement dans la gêne, d'autant que deux enfants naissent de son union en 1885 avec Louise Hawkins, devenue tuberculeuse, . C'est alors que dans l'inactivité et le besoin, Arthur commence à écrire. Son premier roman ne trouve pas d'éditeur. Le second intitulé Une Etude en Rouge, écrit en 1886, a bien failli connaître le même sort : après plusieurs refus, une maison d'édition lui achète les droits mais pour une misère. Ce second roman passe presque inaperçu, et Arthur abandonne le roman policier pour le roman historique. C'est ainsi qu'il publie Micah Clarke qui obtient un succès honorable.

Etait-ce la fin de Sherlock Holmes ?

Conan Doyle et Wilde

Leur succès viendra de la presse américaine

Si les Anglais n'ont pas fait grand cas du second roman d'Arthur Conan Doyle intitulé Une étude en rouge, les américains, eux, ont fortement apprécié. En 1889, l'agent Stoddart, pour le compte d'un éditeur new-yorkais convie à dîner deux auteurs, et leur demande des romans à paraître dans le Lippincott's magazine. Ces deux jeunes écrivains sont : Arthur Conan Doyle et Oscar Wilde qui publieront respectivement Le Signe des Quatre et le Portrait de Dorian Gray. Ces deux romanciers se devront mutuellement leur réussite, Doyle ayant fait connaître Wilde et réciproquement.

Mais le succès se fait attendre. Ce n'est qu'en 1891, qu'Arthur Conan Doyle renonce à la médecine en fermant son cabinet de Londres ouvert depuis peu et décide de se consacrer pleinement à la littérature.

En janvier de la même année, un nouveau mensuel populaire "Le Strand Magazine" fait son apparition dans Londres. Conan Doyle a le pressentiment que les aventures de Sherlock Holmes sont plus proches de la nouvelle que du roman. Il propose donc ses textes au Strand qui les acceptent et Un Scandale en Bohême paraît en juillet. Durant les années de parution des nouvelles aventures de Sherlock Holmes, le Strand Magazine atteignit des tirages record comme jamais atteints par le passé, ni même depuis.

Arthur Conan Doyle avait fait le bon choix. Il connaîtra le succès et la fortune mais toute la gloire reviendra à son héros Sherlock Holmes, devenu mythique, qui très vite dépassera son créateur.

Frustré au plus haut point, Conan Doyle, ira jusqu'à orchestrer la mort de son personnage. Mais l'effet inverse se produisit et Doyle dut le remettre en scène sous la pression de ses lecteurs.

Le professeur Joseph Bell

Une rencontre décisive pour la future carrière littéraire de Conan Doyle

le Pr Joseph Bell

Lors de ses études, sa rencontre avec le professeur Joseph Bell (1837-1911) aura sur sa carrière littéraire des prolongement inattendus. Ce professeur qui enseignait la chirurgie était réputé pour la fiabilité de ses diagnostics et ses facultés déductives étonnaient ses élèves. Mais cela ne se limitait pas à la médecine, et Joseph Bell était capable, à partir d'un détail du comportement, de la démarche ou d'un vêtement de deviner l'origine et la profession de ses malades. Et Conan Doyle réfléchit alors : si un détective possédait de tels dons d'observations et de déductions, il serait imbattable face aux criminels. Mais à cette époque, il n'est point question de littérature.

Conan Doyle a souvent évoqué ce qu'il devait à son professeur. Il raconte par ailleurs dans ses mémoires, une anecdote significative : En présence d'un inconnu venu le consulter, le docteur Bell affirme que cet individu avait servi dans l'armée et qu'il l'avait quitté depuis peu. Et pourquoi donc ? Parce que, bien que très poli, il n'avait pas ôté son chapeau, pratique usuelle dans l'armée. Mais s'il avait été libéré depuis longtemps, il se serait conformé aux usages de la vie civile. Et Conan Doyle de rajouter : Il n'est pas étonnant que, pour avoir vu de près, un pareil homme, j'aie utilisé son système pour créer un détective scientifique qui résout les problèmes par ses propres moyens. En 1892, il dédie à Joseph Bell le recueil des Aventures de Sherlock Holmes.

Pour tous ceux qui ont cru en l'existence du personnage de Sherlock Holmes, tant ses aventures semblaient réelles, on ne peut que considérer que c'est en partie vrai, Conan Doyle s'étant très largement inspiré des dons de Joseph Bell pour créer son détective. Mais ne l'oublions pas, toute science repose sur l'observation, à charge pour lui d'en tirer des déductions et d'en faire la démonstration. Sherlock Holmes est en tous points un scientifique, précurseur de ce qu'on appelle désormais la police scientifique.

Sherlock Holmes : so british !

Son personnage est l'incarnation de l'Angleterre victorienne au siècle dernier

Pour créer son personnage, Conan Doyle s'est très largement inspiré des étonnantes facultés de déductions de son professeur de chirurgie Joseph Bell. Toutefois, pour ce qui est de la description physique de Sherlock Holmes, Conan Doyle n'a pas choisi une personne de sa connaissance pour décrire son aspect. Dans Une étude en rouge, les traits du personnage principal sont déjà fixés mais sans plus de détails. Certes, Sherlock Holmes est un british jusqu'au bout des ongles vivant en pleine époque victorienne, Londres étant le cadre essentiel de ses aventures. Doyle nous fait voyager dans les différents quartiers de Londres à chaque nouvelle aventure.

Quant au nom de Sherlock Holmes, il est purement issu de l'imagination de Conan Doyle qui avait griffoné sur un brouillon : Sherrinford Holmes. En définitive, ce sera Sherlock, vieux prénom irlandais, et pour son ami et confident, le Dr Watson, ce nom lui viendra d'un de ses confrères de Southsea.

L'illustration contribua pour beaucoup au succès du célèbre détective. Les frères Paget, Sidney et Walter sont illustrateurs au Strand Magazine. Walter se voit confier les travaux d'illustration des récits de Sherlock Holmes. Mais par erreur, c'est Sidney qui reçoit la commande et celui-ci donna à Holmes la physionomie de son frère Walter. Ainsi est né physiquement le personnage de Sherlock Holmes.

Le lecteur se retrouve ainsi plongé au coeur de la vie londonienne en pleine époque victorienne avec pour héros un détective "so british" doué de facultés exceptionnelles.

Quand le héros dépasse l'auteur

"Je le tuerai ou c'est lui qui me tuera"

Au fur et à mesure que le mythe s'étend, Conan Doyle développe une phobie envers son personnage : son existence personnelle est très perturbée au quotidien par le courrier abondant qu'il reçoit : les lecteurs assimilant l'auteur à son personnage. Et c'est sans compter sur les plaisanteries dont Conan Doyle est la cible ainsi que les propositions d'enquêtes toutes aussi saugrenues les unes que les autres. Conan Doyle confie dans une de ces lettres qu'il a une "overdose" de son personnage. Pire encore, il reproche à la série des aventures de Sherlock Holmes de le distraire de "créations plus nobles" comme le roman historique. Il souhaitait pouvoir poursuivre dans cette voie après sa première publication intitulée Micah Clarke qui avait obtenu un succès honorable. Dès lors, l'auteur est totalement dépassé par son oeuvre.

N'arrivant pas à mettre fin à ses contrats avec le Strand Magazine, il décida alors de mettre fin aux aventures de son personnage. Sherlock Holmes doit mourir. C'est au cours d'un séjour en Suisse, qu'il trouvera le cadre idéal pour mettre fin aux aventures du célèbre détective. Mais pour une fin aussi spectaculaire, Conan Doyle n'aura pas d'autres choix que de concocter un duel avec le machiavelique professeur Moriarty. C'est ainsi qu'en décembre 1893, paraît le Problème final.

La réaction ne s'est pas fait attendre. Des millions de Londoniens arborent le deuil et Conan Doyle reçoit des lettres d'injures et de supplications. Pendant 10 ans, Conan Doyle va résister. Durant cette période, il réalisera son rêve en écrivant un roman historique et publie en 1895 les Exploits du brigadier Gérard ; oeuvre de qualité certes mais tombée aux oubliettes. Toutefois en 1901, sous la pression permanente, il publie son plus fameux roman Le Chien des Baskerville. Il précise toutefois que l'affaire se situe avant celle du Problème final, Sherlock Holmes étant toujours mort.

Le retour de Sherlock Holmes

Sous la pression des admirateurs et éditeurs, Conan Doyle capitule enfin

Enfin en septembre 1903, il decide de rompre avec l'écriture. Conan Doyle ne résiste plus à la pression notamment financière de la part des éditeurs. Un hebdomadaire américain lui offre $45.000 à la seule condition que Sherlock Holmes ressuscite et ressorte des chutes de Reichenbach. Après deux mois d'attente terrible savamment orchestrés par les éditeurs, sort enfin La Maison vide. Désormais Conan Doyle devra se résigner à écrire de nouvelles aventures tant attendues par son public. Sa dernière oeuvre L'aventure de Shoscombe Old Place paraîtra en 1927. Conan Doyle mourut le 7 juillet 1930 laissant une oeuvre considérable : 46 nouvelles en 5 recueils et 4 romans. Il publia également ses mémoires dans lesquelles il admet volontiers que Sherlock Holmes "fut un bon ami à bien des égards". Il semble qu'à la fin de sa vie, Doyle ait fait la paix avec Holmes. Peut-être avait-il fini par se convaincre de l'existence de son personnage, qui lui apporta richesse et gloire dont il avait conservé toutefois l'essentiel.

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